30 juillet 2010

Un classique : le jeu du "cadavre exquis"




Durant ces quelques semaines si dures que nous venons de traverser, l'activité ludique qui me permettait le mieux "d'interagir " avec Matt était la composition de cadavres exquis. Nous en avons dessinés beaucoup et il insistait pour que nous attribuions des noms aux drôles d'animaux obtenus. Ci-dessus, deux exemples de cadavres exquis réalisés par Matthieu, son copain Nicolas et moi.
Aujourd'hui, Matthieu est reposé. La terrible période de régression semble terminée. Comme toujours -même si c'est très difficile d'être optimiste au moment où l'on est dans le creux de la vague...-, je constate avec joie qu'une fois la régression passée, Matthieu fait de rapides progrès. Ce qui me frappe en ce moment, par exemple, c'est qu'il nous regarde beaucoup plus souvent dans les yeux. Pourvu que cela dure ! Il vient de passer une semaine au centre de loisir, où il a retrouvé un copain qu'il s'était fait il y a un an. Il avait une petite appréhension en arrivant lundi matin mais il l'a vite dépassée.
Il a toujours besoin de bien connaître son emploi du temps et nous écrivons de nouveau plus systématiquement les échéances qui arrivent, à l'échelle d'une journée, d'une semaine, ou à celle des grandes vacances (il nous récite plusieurs fois par jour ce dernier planning).
Sa bonne vieille peur des statues, poupées et autres automates est toujours sous-jacente mais il sait de mieux en mieux la juguler seul, ce qui montre qu'il va mieux. Un exemple : nous sommes allés chez Emmaüs l'autre jour, où un grand mannequin figurait l'abbé Pierre. Matthieu a inventé une chanson "chasse-peur" : "Viens, je t'emmène,
Plus loin de l'albé Pierre,
Viens, je t'emmène,
loin du vieux monsieur de 95 ans...
J'ai tellement fermé les yeux, j'ai tellement rêvé,
que j'y suis arrivé..."
Bref, cela va beaucoup mieux.
Merci à tous ceux qui nous ont témoigné leur amitié durant la zone de turbulence qui semble s'achever. Demain, nous partons en Ligurie et Matthieu s'en réjouit.

Bornage et "boomeranguier"







Il y a peu, Matthieu a accompagné son papi, son grand-oncle, son papa et moi pour établir le bornage d'un bois ayant appartenu à son arrière-grand-mère. Il s'est montré curieux des outils qu'il a dessinés en les dotant d'yeux. Nous avons fait un peu de landart, Matt a essayé de repérer des lettres dans la nature et a baptisé le bois "la forêt des i" compte tenu du nombre de brindilles qu'il voyait partout.



Il avait absolument voulu emmener ses 4 boomerangs fluorescents -qui ont d'ailleurs été bien utiles pour les repérages !-. Nous avons beaucoup joué. Matt a notamment disposés ses boomerangs sur un arbre qu'il a appelé, avec logique, un "boomeranguier". Il a pris pas mal de photos. Ce fut une très chouette matinée.

Un menu digne du géant de Zéralda !







En début d'année scolaire, Matthieu a étudié un livre de Tomi Ungerer intitulé Le géant de Zéralda (1970, réédition 1982, L'école des loisirs). Comme il est très important que Matthieu arrive à créer des liens entre les activités, les notions apprises, etc..., j'ai rédigé le menu du baptême d'Agathe (cf. article précédent) de manière un peu ronflante afin d'imiter les menus présentés dans l'ouvrage. Matthieu a immédiatement adhéré et a soigneusement copié le menu du grand jour.



J'ai aimé le voir si impliqué -et appliqué !-, surtout après l'immense traversée du désert qui avait été la nôtre durant les semaines précédentes.

La préparation du baptême d'Agathe : des chevalets recyclant des "joujoux Kinder".













Le baptême d'Agathe a eu lieu le 18 juillet dernier. Dans les jours qui ont précédé, Matthieu est enfin revenu parmi nous et j'ai pu l'associer aux préparatifs. Avec Agathe, nous avons fabriqué de petits chevalets pour marquer les places des invités à table. Si Matthieu a renâclé à écrire la date de la fête au dos de chaque chevalet (Agathe a écrit les prénoms des invités), il a en revanche été ravi de choisir, parmi une multitude de petits joujoux Kinder entassés dans des boîtes de chaussures, ceux qui représentaient le mieux les goûts ou les métiers des convives.

Matthieu a ensuite passé beaucoup de temps à immortaliser chacun des petits bricolages avec son appareil photo.

Un collage d'après Schwitters






Les enfants et moi avons de nouveau exploité les idées d'un ouvrage de la collection "l'art en jeu" (Atelier des enfants et Musée national d'art moderne du Centre Georges Pompidou). Il s'agissait cette fois d'une activité conçue par Richard Nicolas autour d'un collage de Kurt Schwitters intitulé Le point sur le i (1939).

Au moment où nous avons réalisé ce collage, il y a trois semaines environ, Matthieu était encore en pleine régression, aussi ai-je eu beaucoup de mal à accrocher son attention. Il faut bien avouer que c'est Agathe qui a fourni le plus gros du travail. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas lâché prise : dans les jours qui ont suivi, j'ai proposé d'autres activités créatives à Matthieu, comme au (bon ?!) vieux temps de notre stimulation intensive. J'en présenterai une autre prochainement.
J'aime particulièrement le nom donné à cette collection d'ouvrages : "l'art en jeu". On devine aisément pourquoi !









11 juillet 2010

"Autistes et informaticiens" (CI) : une question d'orientation.

Le numéro de Courrier International de cette semaine (n°1027) reproduit un article de l' Hebdo de Lausanne (article de Danil Saraga) sur les compétences des Asperger (dits aussi "Aspies") en informatique. L'article est intéressant en ceci qu'il montre qu'en raisonnnant en termes de capacités -même si ces dernières sont atypiques- et non en termes de handicaps, certaines caractéritiques des autistes de haut niveau et des Asperger (ex : une grande faculté à s'absorber dans une tâche méticuleuse et répétitive, une grande franchise...) peuvent être valorisées sur le plan professionnel. A cet égard, les métiers liés à l'informatique sont prometteurs et l'évolution de nos sociétés (nouvelles technologies) est un chance pour les personnes avec autisme qui peuvent accéder à des emplois au cadre stable et sécurisant, où les contacts directs avec de nombreux interlocuteurs sont de fait restreints.
Depuis que je m'intéresse sur le plan professionnel à la scolarisation des enfants avec autisme, je suis frappée par le défaut de réflexion menée concernant l'orientation des autistes maintenus en milieu ordinaire. Le contenu de cet article offre de réjouissantes perspectives qui mériteraient d'être examinées par l'institution scolaire avec soin.

Sur un plan plus personnel, Thierry et moi avons relevé que la personne Asperger dont il est question dans l'article, qui emploie d'autres "Aspies" dans son entreprise d'informatique, est mariée et maman. Quand nous voyons Matthieu en ce moment, nous nous disons qu'il ne faut pas rêver, mais une note d'optimisme, en cette période si délicate pour nous tous, ne fait pas de mal...

Autisme Espoir Vers l'Ecole (AEVE)

Le 18 juin dernier, j'ai été conviée à m'exprimer au forum de l'association AEVE "Autisme Espoir Vers l'Ecole". Madame de la Presle, la fondatrice de cette association, avait eu connaissance de mon témoignage et de notre mode de stimulation de Matthieu par le jeu. Or, la méthode mise en oeuvre par cette association repose précisément sur le "jeu, l'affection et l'enthousiasme". Il s'agit de la méthode des 3i (une méthode Idividuelle, Intensive et Interactive). Autour de chaque enfant avec autisme dont les parents décident de suivre cette méthode, se crée une association de bénévoles, qui se relaient heure après heure, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, auprès de l'enfant pour le stimuler en jouant avec lui. L'idée est de permettre à l'enfant de s'ouvrir peu à peu monde, à la communication et aux autres afin qu'il soit armé pour réussir véritablement, à son rythme -et pas trop prématurément - à aller à l'école. Cette méthode est d'une grande efficacité et je suis bien placée pour comprendre pourquoi...
Durant toute cette journée du 18 juin, des témoignages plus éloquents et plus émouvants les uns que les autres se sont succédés. Je voudrais rendre hommage ici aux dizaines de bénévoles qui, dans l'ombre, oeuvrent aux progrès rapides et spectaculaires de ces enfants. Je voudrais aussi remercier madame de la Presle pour son énergie, son efficacité et sa grande gentillesse.
Je recommande vivement aux parents qui se sentent seuls et démunis face à l'autisme de leur enfant de prendre contact avec cette association.

9 juillet 2010

"Diamoniak" (Djeco)


Dans la série des petits jeux de cartes à 8 euros de Djeco (j'en ai déjà présenté deux il y a peu), Matthieu et Agathe viennent de découvrir "Diamoniak". Ce "jeu d'aventure et de stratégie", où il est question de fées, de sorcières et de châteaux dignes de celui de la Belle- au-Bois-Dormant, s'adresse a priori à des petites filles. Je l'ai donc offert à Agathe même si c'est à Matthieu que je pensais quand je l'ai acheté. En cette période où jouer est redevenu primordial, il est rafraîchissant pour toute la famille de découvrir de nouveaux jeux. Celui-ci plaît beaucoup aux enfants. Théoriquement, il faut avoir 5 ans pour s'attaquer à la construction d'un chateau en accumulant des diamants et en évitant les sorcières, mais Agathe a déjà compris toutes les ficelles du jeu bien qu'elle n'ait que 3 ans et demi.

8 juillet 2010

Un gros (énorme) coup de fatigue...

Il y a un peu moins de trois semaines, on m'a demandé si Matthieu n'était pas trop fatigué. J'avais alors répondu avec soulagement qu'il tenait remarquablement bien le coup malgré la fin d'année scolaire. J'aurais mieux fait de me taire... Le lendemain, son état a commencé à rapidement se dégrader. Les innocents petits jeux entre copains vus et revus dans la cour de récréation (faire des "prouts" en mettant ses mains sous ses aisselles, "faire bisouter" ses mains...) se sont transformés en stéréotypies difficiles à juguler. Matthieu s'est de plus en plus retranché, les yeux vides, la mâchoire inférieure en avant (une nouveauté fort peu esthétique). Il s'est remis à sauter et à bouger de manière de plus en plus dégingandée. Nous avons dû cacher le mode d'emploi de son jeu de Mario pour l'empêcher de passer des heures à le lire et à l'apprendre par coeur au moindre renvoi de page près.
Il s'est mis à répéter en boucle, d'une voix monocorde que nous pensions ne plus jamais entendre, des litanies de titres de contes étudiés à l'école ou découverts au CATTP. Et surtout, il a recommencé à pleurer pour un oui ou pour un non, répétant des dizaines de fois "c'est pas grave de se tromper, dis, c'est pas grave..." Alors que Thierry et moi sommes nous-mêmes bien fatigués, il a fallu reprendre le collier : jouer encore et encore, dessiner et lister minutieusement les étapes de la journée, préserver Agathe qui perçoit avec beaucoup de clairvoyance que son frère va moins bien. C'est dur.
J'ai l'impression que, comme moi, Matthieu est très sensible aux changements de pression atmosphérique. Le temps orageux actuel, la fatigue accumulée d'une année scolaire, la perception très fine de ma fatigue à moi : tout concourt à rendre Matthieu bien vulnérable en ce moment.
Mais cela ne va pas durer. Nous ne devons pas nous décourager même si, dans ces moments-là, l'avenir nous fait peur. Nous avons vu la pédopsychiatre qui nous a fait un petit discours sur le découragement. Elle fait son métier. Mais je crois que seuls les autres parents d'enfants handicapés peuvent comprendre l'angoisse immense qui est la nôtre quand, malgré tout le chemin parcouru, on a le sentiment de ne plus rien contrôler. La frontière entre les progrès et la régression est si ténue... Que se passera-t-il dans dix ans, dans quinze ans, vingt ans et plus, si, dans les moments de fatigue, Matthieu ne peut compter sur personne qui sache comment le remettre sur les rails ?

Mais bon... Ces pensées peu réjouissantes, nous sommes heureusement capables de les écarter assez rapidement. Il le faut bien...
J'ai emmené Matthieu chez l'ostéopathe hier. La séance semble lui avoir fait du bien.

Tout va s'arranger de nouveau et il va encore progresser, j'en suis sûre. Thierry aménage le jardin pour accueillir une grande piscine en bois. Ce matin, pendant que j'interrogeais des lycéens contraints de passer les épreuves de rattrapage du BAC, il a encore emmené les enfants à la piscine. C'est vraiment un papa formidable. Depuis quelques jours, nous constatons de nouveau que Matthieu est très bien dans l'eau. En période de régression, il y redevient quasi normal.
Les bonnes vieilles recettes décrites dans mon livre sont donc encore valables en période difficile. Tant mieux !

Le bilan de l'année scolaire de Matthieu




L'année scolaire de Matthieu vient de s'achever et il est l'heure des bilans.

Matthieu a réussi à "avaler" -et surtout à "digérer"!- l'immense programme de la classe de CE1. Sa grille de compétences révèle principalement des éléments acquis (A). Seuls bémols : la géométrie (B) et l'écriture d'un conte (C voire D). Ce dernier point est symptomatique des enfants avec autisme : Matthieu peine à créer, à inventer une histoire à partir d'autre chose que l'un ou l'autre de ses centres d'intérêts. C'était une difficulté prévisible. Ici, il s'agissait d'"écrire un conte collectif". Le caractère collectif de ce travail, passant par une mise en commun d'idées à l'oral n'a sans doute pas arrangé les choses.
Peut-être faudrait-il permettre à Matthieu, dans un premier temps, de réaliser des travaux de rédaction à partir de sujets qui le passionnent afin que ce contexte connu et apprécié serve de tremplin à son imagination. C'est ce qu'il fait à la maison quand il invente des histoires de golf ou de Monsieur/Madame, par exemple. Je ne sais pas si je peux suggérer une telle adaptation aux enseignants de Matthieu. En tant que toute nouvelle enseignante spécialisée, il me semble que c'est ce que je conseillerais pour un autre enfant. En tant que parent, je répugne à m'immiscer dans la pédagogie des institutrices de mon fils et je mets un point d'honneur à ne pas me montrer trop envahissante.

En ce qui concerne l'autonomie, j'ai fait le point avec l'AVS de Matthieu. Myriam l'a épaulé avec efficacité cette année en lui permettant de mettre en oeuvre les consignes données en classe. Elle a très bien senti comment l'aider à comprendre en usant, au besoin, d'outils ludiques comparables à ceux mobilisés à la maison. J'ai par exemple été épatée par l'habileté avec laquelle Matthieu développe des calculs complexes. Il est arrivé un soir avec un exercice du type :
345 x 4 à résoudre en factorisant !!! Sous nos yeux ébahis, Matthieu a développé à une vitesse ahurissante (300 x 4) + (40 x 4) + (5 x 4), en "faisant tomber les zéros", avec un petit rire amusé, à chaque nouvelle multiplication en ligne. C'était Myriam qui avait introduit ce petit truc rigolo des "zéros qui tombent". Bref, du "sur mesure" ludique pour Matthieu. J'en profite ici pour remercier Myriam de tout coeur. La MDPH a renouvelé le droit de Matthieu à bénéficier d'une AVS à raison de 12 heures par semaine l'an prochain. Nous souhaitons que Myriam puisse de nouveau être cette AVS. J'espère que cette idée saugrenue, selon laquelle il serait bon de changer d'AVS chaque année pour éviter tout attachement fusionnel réciproque, ne prévaudra pas dans le cas de Matthieu. Je viens d'écrire un courrier au rectorat en ce sens.

Matthieu ira donc en CE2 à la rentrée. Il restera dans la même classe (un CE1-CE2), avec la même maîtresse que cette année, mais côté CE2. Parmi les 5 élèves de sa classe initiale qui seront avec lui (les autres intègreront le CE2-CM1), il y a deux de ses meilleurs copains (Nicolas et Arno, lequel est l'un des meilleurs élèves de la classe) et deux filles (Lauryne et Claire) qui aiment le tutorer quand c'est possible. Bref, avec cet environnement, la rentrée s'annonce bien.

Il est un point fondamental, toutefois, sur lequel Matthieu n'a pas progressé : le rangement de son matériel (livres, cahiers, crayons) à l'issue d'une activité ou la sortie de ses affaires au moment où il arrive en classe et au moment des changements d'activités. Je vais construire avec lui des fiches décomposant ces actions cet été (nous les plastifierons). J'insisterai à la rentrée pour que la maîtresse les fixe sur son pupitre, afin que, AVS ou pas, il intègre une bonne fois pour toute ces gestes fondamentaux du quotidien. Il faudra aussi que nous soyons plus exigeants envers Matt concernant le rangement de ses affaires à la maison, durant les vacances.

Je joins ci-dessous les fiches que j'ai confectionnées pour les maîtresses et l'AVS de Matthieu en septembre dernier. Il ne me semble pas les avoir déjà reproduites sur mon blog.




Sur les photographies qui introduisent ce long message, on peut voir l'un des pots à crayons fabriqués par Matthieu à chacune de ses deux maîtresses (il leur a aussi fait des bracelets).

Fiche n°1 :
Ce qu’il faut savoir sur Matthieu…


- Malgré sa maladie, Matthieu ne souffre pas d’un retard mental. Il a appris à lire seul, avant même d’entrer au CP, par exemple. Il n’est pas surdoué, comme on l’entend parfois dire de certains autistes, mais il a des capacités intellectuelles qui doivent lui permettre de suivre une scolarité ordinaire,

Il ne faut donc pas faire les exercices à sa place. Il peut et doit être à égalité avec les autres élèves sur ce plan.

- Matthieu est hypersensible et sujet à beaucoup d’angoisses. Il souffre d’angoisses de morcellement (peur de mourir s’il perd une dent ; peur de se désintégrer s’il se cogne le doigt, peur de se liquéfier s’il a une gastro…). Il est terrorisé à l’idée d’échouer, d’être le dernier…Il supporte très mal la frustration de l’erreur ou de l’échec.

Il faut donc sans cesse le rassurer. Il faut l’aider à relativiser ses peurs et ses échecs en les dédramatisant, sans s’en moquer et sans chercher à éviter systématiquement (même si c’est parfois nécessaire) les sujets susceptibles de le heurter. Il ne faut pas lui mettre des A s’il mérite des B pour lui faire plaisir et éviter ses larmes, mais il faut beaucoup parler avec lui pour lui expliquer les causes de ses erreurs et les possibilités de progrès.

- Matthieu exprime très peu ce qu’il ressent (ses émotions) avec des mots.

Sans le harceler, il faut donc l’inviter à expliquer pourquoi il réagit ainsi à telle ou telle situation. Il faut l’amener à extérioriser ses sentiments pour l’aider à dépasser ses peurs et ses frustrations.


- Pour Matthieu, rien –ou presque- n’est inné. Il a dû apprendre à décoder les sentiments, par exemple. Il y a encore quelques mois, quelque chose d’aussi bête que ramasser un stylo qui tombe ne lui venait pas à l’idée. Il commence seulement à avoir un peu d’esprit d’initiative. Il a des difficultés à anticiper les actions –les siennes et celles des autres…

Il faut donc être patient avec lui, ne pas s’imaginer qu’il fait preuve de mauvaise volonté ; il faut toujours garder à l’esprit que rien, même la parole, n’est facile pour lui.

- Matthieu est très introverti et subit passivement les agressions ou les pressions d’autrui.

Il faut donc lui apprendre à résister, à dire non, à se défendre, notamment dans la cour de récréation.

- Matthieu a du mal à aller vers les autres. Mais attention, ce sont ses problèmes structurels de communication qui l’inhibent et non une attitude délibérée de refus (il a d’ailleurs de très bons copains dans sa classe).

Il faut l’aider à se faire de nouveaux copains et à gérer de nouvelles amitiés.


- Matthieu est très conscient de sa maladie. Il en connaît les caractéristiques et s’efforce de combattre ses traits autistiques avec beaucoup de courage et de ténacité.

On peut donc –et on doit donc- toujours lui dire les choses telles qu’elles sont. Il faut lui dire la vérité sur ce qui se passe autour de lui ou à propos de lui.

- Matthieu est trop sensible à certains stimuli sensoriels (auditifs en particulier).
Cela va beaucoup mieux mais les sons graves et les micros lui font mal aux oreilles.

- Matthieu éprouve des difficultés à fixer longtemps son attention en classe mais il n’est pas hyperactif et c’est souvent la fatigue qui le fait décrocher.

Il faut donc l’aider à rester en éveil, attentif, tout en le laissant parfois se « ressourcer » durant 5 ou 10 minutes. C’est un équilibre très dur à trouver ! Il nous a fallu des mois pour le faire à la maison.


A noter : - quand Matthieu est fatigué, les traits autistiques sont plus marqués.
- Matthieu est très doux et pour arriver à lui, il faut user de beaucoup de douceur.

Fiche n°2 :

Quelques principes utiles à mettre en œuvre en classe
pour aider Matthieu.

1°) Décomposer les tâches et vérifier que Matthieu accomplit bien toutes les étapes d’une activité.
Constat : Matthieu a tendance à s’arrêter entre les tâches au lieu de les enchaîner.
Ce que l’on fait à la maison : nous avons élaboré des fiches décomposant les actions du quotidien. Petit à petit, en suivant jour après jour ses petites fiches, Matthieu est parvenu à intégrer l’enchaînement des actions et à agir en complète autonomie. [cf. « règlement de la douche »]. Ces fiches peuvent concerner des tâches très fines. Nous avons imaginé ces fiches au printemps et il a tellement progressé qu’il n’en a plus besoin.
Ce que peut faire l’AVS (ou la maîtresse) : identifier les enchaînements difficiles (ex : sortir toutes ses affaires de son sac sans s’arrêter entre la trousse et le cahier, entre le cahier et les feutres, etc …) et décortiquer les tâches avec Matthieu.
Veiller à ce qu’il enchaîne tout et si ce n’est pas le cas, lui servir d’aiguillon (« et après ? Que dois-tu faire ? » ; « Tu as fait la deuxième étape, est-ce que tu as fini ? »). Ne surtout pas accomplir la tâche à sa place.
Eventuellement pour les jours où l’AVS ne sera pas là : élaborer quelques fiches « pense-bête » pour l’aider à enchaîner les actions seul (sur le modèle des fiches réalisées à la maison).

Matthieu est aussi capable qu’un autre élève de comprendre un énoncé, mais il faut s’assurer qu’une fois que la maîtresse a donné ses consignes par écrit ou par oral à la classe, il se met bien en route et ne s’arrête pas au bout d’une question ou d’un exercice.

Important :
- quand on élabore des fiches pour guider Matthieu, il faut numéroter les tâches décomposées. Matthieu adore les chiffres et si tout est bien structuré par des numéros, il est rassuré. Il a aussi conscience d’avancer, de progresser dans sa tâche.
- si c’est possible, il faut associer Matthieu à l’élaboration des fiches (c’est lui qui a construit la fiche sur la douche).


2°) Formuler les injonctions en termes de règles (« la règle, c’est… ») ou en termes d’autorisation (« tu as le droit de ») plutôt que par des ordres trop secs.
Constat : Matthieu est extrêmement (trop même !!!) respectueux des règles : il est très obéissant. Il a tendance à établir lui-même des règles avec une certaine rigidité, caractéristique des autistes. Il a par exemple dit à sa sœur récemment : « Quand on est mort, on est couché, c’est la règle ! ».
S’il a le sentiment d’avoir enfreint une règle (même si ce n’est pas vrai et qu’il a agi comme il le fallait, même si ce n’est pas grave, même si personne ne le gronde…), il a tendance à se mettre dans tous ses états (il pleure fort et longtemps…). L’idée d’avoir fait quelque chose d’interdit le rend malade.
Il a tellement tendance à culpabiliser et à se faire à lui-même des reproches qu’il ne sert à rien de le gronder. Il faut l’approcher avec beaucoup de douceur (cette attitude douce ne risque pas de mettre en péril notre autorité).
Ce que l’on fait à la maison :
- évidemment, on le rassure et on dédramatise. On lui rappelle que l’on sait qu’il est très obéissant.
- on se sert de son amour des règles pour lui faire faire des choses qui ne relèvent pas d’un règlement.
- on l’invite en douceur à agir par des phrases du genre « tu as le droit de ». Par exemple, en juin dernier encore, on lui disait « tu as le droit d’aller faire pipi » pour qu’il pense à aller aux toilettes. Si l’on formulait les choses ainsi : « va faire pipi ! », il pleurait car l’impératif résonnait en lui comme une agression et comme le pointage d’une infraction à la règle.

Ce que peut faire l’AVS ou la maîtresse : la même chose.
Ex : au lieu de dire d’un ton sec : « écoute la maîtresse ! », préférer : « Tu as le droit d’écouter la maîtresse. » ou « la règle, c’est qu’il faut écouter la maîtresse. Tu ne l’as pas fait cette fois-ci, ce n’est pas grave, je sais que tu sais que c’est la règle et que tu le feras à l’avenir»
NB : Matthieu tolère beaucoup mieux l’impératif depuis quelques semaines. Après quelques tests positifs (bonne tolérance à des phrases du style « arrête de bavarder !»), on pourra peut-être se passer des « tu as le droit de ».

Important : Matthieu ne doit pas avoir de traitement de faveur. S’il fait une entorse grave au règlement de la classe ou aux règles de vie en société, il faut qu’il reçoive la sanction prévue (il faut la lui expliquer). Il pleurera sans doute plus qu’un autre et pour le consoler, il faudra bien lui dire que ce n’est pour cela qu’il est méchant, que l’on sait bien qu’il est gentil et que l’on continue à l’aimer beaucoup.

Il ne faut pas hésiter à s’appuyer sur les traits pathologiques du comportement de Matthieu pour l’amener à les sublimer en quelque chose qui l’aidera à progresser et à s’intégrer.

3°) Lui laisser un temps d’observation.

Constat : Matthieu arrive mieux à réaliser une tâche (surtout sur le plan corporel) s’il peut observer plusieurs fois quelqu’un faire l’action. Ex : Matthieu a fait de l’élastique sur un trampoline cet été. Il était très maladroit jusqu’à ce qu’il ait longuement observé une fillette plus âgée et plus dégourdie. [NB : il a fallu, comme toujours, le rassurer car il se rendait compte qu’elle était plus efficace que lui (« c’est vrai que la petite fille y arrive mieux que toi mais elle doit avoir dix ans et elle s’est sans doute beaucoup plus entraînée que toi… »)].
Ce que peut faire la maîtresse : lors de l’apprentissage d’un nouvel exercice moteur, en sport par exemple, le faire passer parmi les derniers pour qu’il ait le temps d’observer ses camardes. C’est d’autant plus vrai s’il y a des enchaînements à réaliser (gymnastique).


4°) Lui laisser un temps de décantation.

Constat : depuis qu’il parle (Matthieu a commencé à communiquer en parlant vers 4 ans), nous avons constaté que quand quelque chose était difficile pour lui (sur le plan moteur, sur celui des apprentissages et parfois sur le plan émotionnel), il faut en parler calmement avec lui sans trop insister et attendre le lendemain. En général cela va beaucoup mieux après une bonne nuit et c’est Matthieu qui revient spontanément sur la pierre d’achoppement de la veille.
Ce que peut faire la maîtresse ou l’AVS : accepter que Matthieu ne réponde pas immédiatement à une sollicitation (quitte à l’inscrire dans le cahier de liaison pour que son papa et moi essayions de tâter le terrain le soir, à la maison). Même quand il ne dit rien, il entend. Il a souvent besoin d’un peu plus de temps que les autres pour digérer les informations.

5°) S’appuyer sur ses centres d’intérêt

Constat : comme beaucoup d’enfants autistes, Matthieu a longtemps eu tendance à « surinvestir » les choses qui l’intéressaient, et ce jusqu’à l’obsession (ex : les couleurs, les insectes, les planètes, les chiffres, les lettres…). Aujourd’hui, il n’a plus d’obsessions aussi poussées et envahissantes, mais il y a quelques sujets qui le passionnent et sur lesquels il faut s’appuyer (il ne faut pas les refouler !) pour le faire avancer.
Ce qui le passionne en ce moment : les livres de la collection « Monsieur-Madame », les livres de la collection « les drôles de petites bêtes » et le mini-golf.
Ce que l’on fait à la maison : Matthieu adore jouer au Yatzé ce qui l’oblige à effectuer des calculs. A la fin d’une partie, il veut toujours savoir combien de points séparent le gagnant du perdant. Nous posons alors les soustractions devant lui et nous le sollicitons par des phrases du style : « J’ai 3 « Monsieur », il m’en manque combien pour en avoir 11 ? ».
Ce que peut faire l’AVS : utiliser l’un de ses centres d’intérêt pour attirer son attention quand elle se relâche et pour servir d’exemple quand il semble avoir du mal avec une co nsigne.

6°) Lui présenter les choses de manière ludique

Pour amener Matthieu à communiquer, nous avons passé des centaines d’heures à jouer avec lui. Encore aujourd’hui, nous jouons beaucoup. En lui présentant les choses comme un jeu, on attire son attention et on le maintient mieux en éveil.
Exemple : l’an dernier, son prof de violon avait baptisé les cordes « barbanotes » (barbami, barbaré…) et il lui faisait passer toutes les consignes un peu arides à la sauce « barbapapa ». Cela fonctionnait très bien.

7°) Lui parler de manière expressive, enjouée, à la limite de la théâtralité.

Bon à savoir : - Matthieu adore dessiner. Le dessin est, je crois, son mode d’expression spontané favori. Quand il est fatigué, cela lui fait du bien de dessiner.
- chanter les consignes à Matthieu est très efficace mais je vois mal comment adapter une telle pratique en classe…